L'égalité dans les outils
Vous trouverez dans cet espace des informations utiles pour « Comprendre » une thématique donnée à la lumière des principes d'égalité entre les femmes/filles et les hommes/garçons.
La partie « Agir » vous propose, quant à elle, diverses pistes à mettre en pratique.
Pour aller plus loin et découvrir des ressources sur la thématique, il vous suffit de consulter le « Catalogue », de la sélectionner ainsi que le type de support que vous souhaitez utiliser. Ces ressources sont mises à disposition pour enrichir vos connaissances et celles de vos élèves sur le sujet.
Comprendre la thématique
L'objectif principal du manuel scolaire est d'aider l'enseignant·e dans la création de son programme. Les images et informations présentes dans le manuel peuvent influencer les perceptions et les interactions des élèves aussi bien dans le cadre scolaire qu’en dehors. Cette explore les implications de ces stéréotypes, allant de la représentation des femmes aux impacts profonds sur les élèves, tout en soulignant l'importance d'une éducation égalitaire pour favoriser l'égalité des genres.
Stéréotypes et manuels scolaires
Les manuels scolaires en tant qu'outils essentiels de socialisation
Le choix des ressources pédagogiques à utiliser en classe revêt une importance cruciale, car leur contenu peut remettre en question les conceptions individuelles et collectives. De manière intentionnelle ou involontaire, les manuels scolaires transmettent une culture, des valeurs et une perspective du monde qui influencent la construction sociale des élèves. Ces représentations peuvent également exercer une influence sur la construction des rôles de genre des élèves, ainsi que sur leurs comportements et leurs interactions sociales.
Définition d'une représentation : « forme de connaissance socialement élaborée et partagée, ayant une visée pratique et concourant à la construction d’une réalité commune à un ensemble social ». Les représentations ne reproduisent pas fidèlement la réalité, mais elles servent à l'interpréter et à la légitimer. Par conséquent, tout système de représentation constitue également un système de valeurs partagées par une communauté. Les recherches se concentrant sur les représentations sexistes, notamment dans les manuels scolaires dans ce contexte, mettent en lumière les inégalités de genre existantes.
En ce qui concerne les enjeux idéologiques, économiques et sociaux
Dans les manuels scolaires, quels que soient la matière ou le niveau, de l'école primaire au secondaire, les femmes et les filles sont nettement moins représentées numériquement que les hommes et les garçons. Les maisons d'édition évoquent des difficultés à équilibrer la présence des hommes et des femmes parmi les personnages, les figures historiques, les auteurs et les autrices de documents. De plus, lorsque les femmes sont effectivement présentes, elles le sont souvent de manière à minimiser leur importance, notamment en les reléguant à des chapitres spécifiques, comme dans le cas d'un manuel d'histoire qui les mettrait en avant uniquement dans le contexte du chapitre sur mai 68, par exemple.
Source : Sexes et manuels, promouvoir l’égalité dans les manuels scolaires, Fédération Wallonie-Bruxelles , 2012, p. 25 et Faire des manuels scolaires des outils de l’égalité entre les femmes et les hommes, guide pratique, Centre Hubertine Auclert, 2014, p 11
Les Stéréotypes de genre dans les manuels scolaires
Les stéréotypes de genre que l'on retrouve dans les manuels scolaires peuvent sembler inoffensifs à première vue, mais ils ont des conséquences profondes et durables. En mettant en évidence ces stéréotypes, nous pouvons mieux comprendre comment ils sont intériorisés par les élèves et comment ils influencent leur perception du monde.
Manuels scolaires au niveau primaire
Dans les manuels scolaires utilisés à l'école primaire, on met en avant des stéréotypes de genre en ce qui concerne les caractéristiques, les qualités et les défauts attribués aux élèves en fonction de leur genre, créant une distinction entre les « caïds » masculins et les « petites filles sages » féminines. Les filles sont souvent dépeintes comme étant calmes, ordonnées, attentives à leur apparence et soucieuses de leur travail scolaire, tandis que les garçons sont décrits comme turbulents et sujets de manière récurente à des punitions.
Source : Sexes et manuels, promouvoir l’égalité dans les manuels scolaires, Fédération Wallonie-Bruxelles, 2012, p. 33
Le Centre d'Entraînement aux Méthodes d'Education Active (CEMEA) a mené une étude en 2012 portant sur l'analyse des manuels scolaires de français utilisés dans l'enseignement primaire. Les résultats de cette recherche, basés sur un échantillon (qui ne prétend pas être représentatif de tous les manuels de la Fédération Wallonie-Bruxelles de Belgique francophone), ont révélé une nette surreprésentation des personnages masculins par rapport aux personnages féminins. Les personnages récurrents présents dans les manuels étudiés, qu'ils soient fictifs ou réels et qu'ils guident les élèves à travers divers exercices, sont en grande majorité des hommes. Les données quantitatives de l'étude du CEMEA ont également montré que les personnages célèbres mis en avant dans les manuels scolaires étaient principalement masculins, avec 87% d'hommes contre seulement 13% de femmes. Ces résultats soulignent également une tendance à la masculinisation du domaine scientifique, que ce soit en évoquant de grands scientifiques ou en illustrant des textes liés aux sciences, les personnages mobilisés sont majoritairement masculins.
Source : CEMEAction, Manuels scolaires et stéréotypes sexués : éclairage sur la situation en 2012, Étude exploratoire, p.19 et p.30
Le rôle de genre dans la famille
Il est également intéressant d'examiner la manière dont la figure maternelle et paternelle est représentée. Sur ce point, il est essentiel de noter l'absence de représentation d'autres types de familles que celles traditionnelles, composées d'un "papa et d'une maman". Les familles homoparentales ou monoparentales, par exemple, sont peu ou pas du tout représentées. En ce qui concerne les familles spécifiquement, les données quantitatives montrent une inversion : les mères sont représentées deux fois plus que les pères. De plus, même lorsque les deux parents sont mentionnés, leurs comportements, leurs interactions mutuelles et/ou avec leurs enfants, ainsi que leurs rôles, sont souvent imprégnés de stéréotypes. Le père est fréquemment représenté comme étant actif à l'extérieur de la sphère domestique, tandis que la mère est souvent représentée à l'intérieur et occupée à réaliser des tâches domestiques.
Lorsque les deux parents participent aux tâches domestiques, les manuels scolaires reflètent des différences marquées dans la nature de ces activités pour la mère et le père. Les mères sont souvent représentées en train de cuisiner, nettoyer, ranger, laver, et prendre soin de la maison et des enfants, tandis que les pères sont plus souvent associés à des activités telles que tondre la pelouse, conduire la voiture, et bricoler. De plus, dans certains cas, les tâches domestiques sont présentées comme une forme de punition par le père.
Les manuels scolaires montrent également des différences notables dans la nature des relations entre les enfants et leur père par rapport à leur mère. Le père est souvent présenté comme une figure d'autorité et de sanction, tandis que la mère est décrite comme un symbole de réconfort et de soin.
Source : CEMEAction, Manuels scolaires et stéréotypes sexués : éclairage sur la situation en 2012, Étude exploratoire, p.49
Les métiers et les choix d’orientation professionnelle
Ces observations s'appliquent également à la représentation des différents métiers dans les manuels scolaires. Les femmes sont le plus souvent représentées entourées d'enfants, renforçant ainsi des stéréotypes de genre. De plus, même parmi les professions, les femmes sont souvent associées à des métiers traditionnellement considérés comme féminins, liés à l'éducation ou aux services aux personnes, tandis que les hommes sont généralement représentés dans des postes de responsabilité ou des métiers liés au pouvoir. Les noms de métiers dans les manuels scolaires sont souvent au masculin, et la féminisation des noms de professions est rare.
Le choix des métiers attribués aux hommes et aux femmes dans les manuels scolaires contribue à perpétuer une hiérarchie sociale où les métiers masculins sont davantage valorisés, par exemple, en associant les hommes aux métiers de pompier, de policier, de médecin, de garagiste, de menuisier, ou de directeur d'école, tandis que les femmes sont liées aux métiers de cuisinière, de couturière, d'infirmière, ou d'institutrice. Cette distinction peut influencer les choix d'orientation professionnelle des élèves en fonction de leur genre.
Les représentations dans les manuels scolaires montrent également que les hommes et les garçons sont principalement représentés en dehors du domicile, tandis que les femmes qui apparaissent dans la sphère publique sont souvent accompagnées par des hommes. Ces représentations véhiculent des messages ambigus, montrant parfois des hommes s'occupant de certaines tâches ménagères à l'extérieur du domicile, mais ne couvrant généralement que les tâches qui se déroulent à l'extérieur (comme le jardinage, le transport des enfants en voiture, le travail dans le garage, etc.). De plus, certains exemples de manuels scolaires montrent les pères utilisant les tâches ménagères comme une forme de punition, ce qui soulève des questions sur le travail non rémunéré accompli au quotidien par de nombreuses mères à domicile.
Manuels scolaires du secondaire
Les stéréotypes de genre sont également présents dans les manuels scolaires du secondaire, bien que de manière moins évidente. En effet, en dépit de la réduction des stéréotypes sexistes les plus flagrants, les manuels scolaires du secondaire ne sont pas exempts de stéréotypes de genre.
Par exemple, dans les manuels d'histoire, les femmes sont souvent cantonnées à des chapitres spéciaux qui leur sont consacrés, restant absentes du récit historique général présenté dans le manuel. Cela peut donner l'impression que les femmes n'ont pas joué un rôle significatif dans l'écriture de l'histoire au sens large, ce qui ne reflète pas la réalité. L'utilisation du masculin générique dans les manuels ignore les mécanismes de domination patriarcaux qui ont existé en Occident depuis l'Antiquité. Les femmes n'ont pas les mêmes droits politiques, sociaux et économiques que les hommes, mais cela ne signifie pas qu'elles n'ont pas joué un rôle historique important. Il est crucial de se rappeler que l'histoire est souvent écrite par les vainqueurs, pour les vainqueurs.
Étant donné que les traces directes des femmes dans l'histoire sont rares, en partie en raison des restrictions imposées aux femmes en matière d'éducation et d'écriture, nous sommes confronté·es à une abondance de discours masculins sur « la » femme. Cependant, il existe des sources qui ne sont pas silencieuses concernant les femmes.
De plus, les personnages féminins dans les manuels scolaires sont bien moins diversifiés que leurs homologues masculins. Les chapitres consacrés au monde professionnel ne rendent souvent pas compte du rôle des femmes dans la production urbaine et rurale, notamment dans la paysannerie, l'artisanat et le commerce. Les femmes sont souvent représentées de manière stéréotypée en tant que mères, épouses, ou femmes au foyer, ce qui renforce une vision simpliste de la société.
Les manuels d'histoire ne sont pas les seuls à présenter cette division stéréotypée des métiers. Dans les exemples présentés dans les manuels de mathématiques, les femmes sont souvent surreprésentées dans les professions traditionnellement associées à leur genre. De plus, dans les manuels de français, les femmes sont principalement présentes en tant que personnages jugés, admirés, idéalisés, critiqués, et dépeints par des auteurs masculins.
- Écrire l’histoire des femmes et du genre, Françoise Thebaud, Lyon, ENS Éditions, 2007
- Mon histoire des femmes, Paris, Michelle Perrot, Seuil, 2006
- Les grandes oubliées de l’Histoire, Pourquoi l’Histoire a effacé les femmes, de Titiou Leqoc, Paris, Iconoclaste, 2021
Stéréotypes de genre dans les manuels scolaires : les impacts profonds et invisible
Les stéréotypes sexistes véhiculés par divers canaux, y compris les outils pédagogiques, ont un impact significatif sur le développement des filles et des garçons. En ce qui concerne les garçons, les manuels scolaires tendent également à valoriser certains comportements qui peuvent être associés à la perturbation voire à la violence, renforçant ainsi des normes de comportement masculin stéréotypées telles que la force, la non-expression des émotions, et la compétitivité.
Il est important de noter que les manuels scolaires ne sont pas les seuls outils de socialisation, mais ils jouent un rôle essentiel dans la transmission et la répétition des stéréotypes de genre présents dans la société. La répétition constante de ces représentations contribue à l'internalisation des normes de genre par les élèves, les amenant à croire qu'en fonction de leur genre assigné à la naissance, certains comportements leur sont attendus. Par exemple, le manque de discipline est souvent plus toléré chez les garçons et moins accepté chez les filles. Cette limitation des possibilités crée des inégalités et des conséquences négatives pour tout le monde.
Par exemple, l'enseignement de l'histoire des femmes en classe est loin d'être anodin. Il permet de mettre en évidence les rapports sociaux de genre, révélant comment la vie publique des hommes repose sur le travail domestique non rémunéré effectué par les femmes, comment l'État régule des aspects intimes de la vie, et comment les mouvements féministes du XXe siècle ont revendiqué le rôle social de la maternité pour défendre leur droit à la citoyenneté politique.
L'inclusion des femmes dans les récits de toutes les disciplines permet de rendre visible leur contribution active aux changements historiques et sociaux à travers les siècles, les plaçant sur un pied d'égalité avec les hommes. Reconnaître la place des femmes dans chaque discipline permet de souligner leur capacité d’agir sur le présent.
Sources : Analyser les représentations du masculin et du féminin dans les manuels scolaires, Carole Brugeilles et Sylvie Cromer, Université de Lille II – Université de Paris X – Nanterre, Centre de Recherche Populations et Société (CERPOS), 2005
Stéréotypes et littérature jeunesse
La littérature jeunesse : un monde d'opportunités pour déconstruire les stéréotypes de genre
La littérature jeunesse est un domaine de l'édition dédié à la création de contenus destinés aux enfants et aux adolescent·es. Elle joue un rôle essentiel dans l'enfance en encourageant les jeunes lecteurs et lectrices à développer leur amour de la lecture. De plus, elle nourrit leur imagination et leur capacité d'action. À travers la littérature, les lecteurs et lectrices sont plongé·es dans des situations familières illustrées en images et en mots dans les livres. Ils et elles sont également exposé·es à des mondes plus éloignés de leur réalité quotidienne, présentant des systèmes alternatifs plus inclusifs et égalitaires.
La littérature jeunesse offre aux enfants l'occasion de découvrir l'altérité et peut être un outil puissant pour remettre en question les stéréotypes de genre véhiculés par les représentations. Il est crucial de veiller à la diversité des auteurs, autrices, illustrateurs et illustratrices, ainsi qu'à celle des personnages représentés.
La littérature a le pouvoir de façonner notre imagination et d'en créer de nouvelles. C'est pourquoi il est enrichissant de proposer une variété de récits provenant de différents horizons et perspectives, mettant en scène une gamme variée de personnages pour que davantage d'enfants puissent s'identifier. Il est essentiel d'inclure des personnages issus de minorités de tous types, qu'il s'agisse de genre, d'origine ethnique, de religion, d'orientation sexuelle ou de personnes en situation de handicap.
Ces récits peuvent aborder des situations difficiles, telles que les questions liées aux différences culturelles ou religieuses, les handicaps, le harcèlement scolaire, etc. Ils permettent aux élèves de prendre conscience des discriminations auxquelles d'autres font face, mais qui ne font pas nécessairement partie de leur propre expérience quotidienne. La prise de conscience de ces différentes réalités peut inciter à l'action et à la promotion du changement.
Nous ne devons pas perdre de vue le potentiel des manuels scolaires et de la littérature jeunesse pour promouvoir l'égalité des genres. En diversifiant les personnages, en représentant des familles diverses et en éliminant les stéréotypes de genre, nous pouvons favoriser une éducation plus égalitaire. Une telle éducation permettrait aux élèves de remettre en question les stéréotypes, de développer une pensée critique et de contribuer à une société plus inclusive.