Orientation scolaire
Vous trouverez dans cet espace des informations utiles pour « Comprendre » une thématique donnée à la lumière des principes d'égalité entre les femmes/filles et les hommes/garçons.
La partie « Agir » vous propose, quant à elle, diverses pistes à mettre en pratique.
Pour aller plus loin et découvrir des ressources sur la thématique, il vous suffit de consulter le « Catalogue », de la sélectionner ainsi que le type de support que vous souhaitez utiliser. Ces ressources sont mises à disposition pour enrichir vos connaissances et celles de vos élèves sur le sujet.
Comprendre la thématique
Les choix d'orientation scolaire diffèrent souvent entre les filles et les garçons. Les filles tendent à s'orienter davantage vers les domaines liés aux services et aux soins aux personnes, tandis que les garçons optent plus fréquemment pour des options et des filières de formation en sciences, en technologie, en ingénierie et en mathématiques, souvent regroupées sous l'acronyme STIM.
Pourquoi cette disparité existe-t-elle ? Est-ce parce que les garçons sont naturellement plus compétents dans les domaines des STIM, tandis que les filles ont une préférence innée pour la littérature ou le service communautaire, comme beaucoup le supposent ? Ces choix sont-ils réellement le résultat de dispositions biologiques, ou sont-ils plutôt influencés par des croyances profondément enracinées qui agissent comme des prédictions, y compris celles que l'on se fait de soi-même ? De nombreuses études ont été menées pour tenter d'expliquer cette question, et les résultats sont présentés dans cette fiche.
L'objectif de cette partie est de sensibiliser les lecteurs et les lectrices aux stéréotypes de genres liés à l'orientation scolaire et professionnelle, afin d'encourager les élèves à faire des choix éducatifs et professionnels dépourvus de stéréotypes, tout en comprenant les enjeux sous-jacents.
Choisir librement son orientation professionnelle, réalité ou fiction ?
Les choix d'orientation scolaire et professionnelle jouent un rôle crucial dans la vie de chacun et chacune. Derrière ces choix se cachent des disparités de genre profondément enracinées qui influencent notre société de manière plus significative et plus fréquente qu’on l’imagine. Dans cette partie, il s’agit de voir comment les stéréotypes de genre façonnent nos décisions, nos carrières et notre avenir.
Au fil des parcours scolaires, des disparités notables émergent en termes de réussite, d'orientation éducative, d'attitudes et de motivations entre les filles et les garçons. Ces divergences, présentes tout au long du parcours scolaire, peuvent finalement influencer les choix professionnels et se manifester également sur le marché du travail.
Malgré leurs performances scolaires généralement meilleures que celles des garçons, les filles restent minoritaires dans les facultés les plus prestigieuses de l'Enseignement supérieur. Cette situation perdure en raison du maintien des stéréotypes liés à la répartition genrée des tâches et des rôles sociaux attendus. Les filles ont tendance à s'orienter davantage vers les filières qualifiées de « relationnelles » offrant des débouchés dans les domaines de l'éducation, du social et des soins de santé, lesquels sont souvent moins rémunérés que les filières considérées comme « masculines » telles que l'ingénierie, la médecine et l'informatique.
Ce constat met en lumière un premier point essentiel : les sciences confèrent un accès privilégié à des positions socialement valorisées, car elles représentent une ressource hautement estimée. L'enseignement secondaire perpétue la division entre les domaines scientifiques et littéraires et l'avantage symbolique penche majoritairement en faveur des premiers domaines.
La perception de soi et les décisions de carrière
Un projet professionnel représente toujours une manifestation de la façon dont une personne aspire à se réaliser, étant étroitement lié à sa propre perception. Nous envisageons des formations et des carrières en les associant à des modèles auxquels nous attribuons des caractéristiques, des personnalités et des valeurs spécifiques. L'attrait pour une filière particulière résulte d'une comparaison. Ainsi, pour qu'un projet soit considéré comme réalisable,il doit présenter un certain degré de correspondance avec l'image que nous avons de nous-mêmes.
- Il est essentiel de prendre des mesures visant à diversifier et à améliorer l'orientation des filles et des garçons ;
- Il est important d'éviter de recourir à des explications basées sur la supposée « nature » pour expliquer la division entre les genres, telles que les préférences ou les compétences présumées liées au genre (par exemple, l'idée que les filles sont naturellement plus ordonnées, plus précises et plus enclines aux matières littéraires) ;
- Revaloriser des métiers dits « féminins » ;
- Il est crucial d'analyser la tendance à la masculinisation des professions où les femmes prédominent, et réciproquement.
La féminisation et la masculinisation des professions sont influencées par divers facteurs
Les métiers et les professions sont genrées, mais les modalités de cette division varient dans le temps et l'espace, et elles ne favorisent pas nécessairement les femmes et les hommes de la même façon.
Par exemple, en Occident, au XIXe siècle, la profession de secrétaire était majoritairement masculine, et l'idée qu'une femme puisse avoir les compétences requises pour ce poste était considérée comme scandaleuse. Cependant, au XXe siècle, cette profession s'est fortement féminisée, au point de devenir quasiment exclusivement occupée par des femmes. En parallèle, le statut associé à la profession a connu une évolution. Autrefois prestigieuse et conférant un certain prestige à ceux qui l'exerçaient, elle a progressivement perdu de son aura pour devenir socialement moins valorisée et banalisée.
Une corrélation entre cette double attribution des professions basée sur le genre et l'établissement d'une hiérarchie peut être observée de manière significative en Occident. Lorsqu'un emploi est économiquement et hiérarchiquement valorisé, il a tendance à être investi par les hommes, et vice versa.
Si les domaines professionnels étaient intrinsèquement liés à des aptitudes ou des préférences « naturelles » basées sur la biologie, de tels changements dans les rôles professionnels attribués aux hommes et aux femmes ne se produiraient pas. En revanche, il est observable que ces évolutions sont principalement dues aux modifications de la perception des professions ainsi qu'à leur valeur économique et sociale dans la société, à un moment précis de l'histoire et dans un contexte donné. Une variation qui écarte l'influence des facteurs biologiques en tant que déterminants des choix de carrière.
Division genrée du travail
Les filles sont en majorité diplômées à la fin de leur formation initiale, tandis que le taux de chômage reste plus élevé parmi les garçons, notamment dans des professions peu qualifiées qui sont plus touchées par les crises économiques. Pourtant, il est observé que même avec des diplômes équivalents, le taux de chômage demeure plus élevé pour les femmes. Cela s'explique par le fait que les secteurs d'études privilégiés par les femmes sont moins prisés sur le marché de l'emploi.
Les indicateurs de l'enseignement de la Fédération Wallonie-Bruxelles 2022 montre qu’à partir du 2e degré (degré d'orientation) il y a une distinction en ce qui concerne les types d'enseignement choisis par les filles et les garçons :
- Enseignement secondaire de plein exercice de qualification (peu de différence dans les chiffres entre le professionnel et le technique) :
- Professionnel : les secteurs de l’industrie et de la construction accueillent une grande majorité de garçons ; le secteur de l’habillement rassemble 89% des filles et le secteur des service aux personnes compte 85% des filles.
- Technique de qualification : les filles représentent un grand pourcentage dans le secteur de l’habillement (86%) et des services aux personnes (65%).Tandis que les garçons représentent une grande majorité dans le secteur de l’industrie (96%) et dans le secteur de la construction (94%).
- Enseignement Technique de transition :
- Général : il n’est pas repris dans les indicateurs de l’enseignement puisqu’un élève ou une élève peut être inscrit·e dans plusieurs options (de base).
- Technique de transition : 48% des filles choisissent le secteur des services aux personnes et 27% le secteur des sciences appliquées.
La répartition des étudiant·e dans l'enseignement supérieur
La distinction entre les filles et les garçons commence au niveau de l’enseignement secondaire et se perpétue également dans l'enseignement supérieur. Les femmes sont majoritaires dans les domaines tels que l'art, la santé, les sciences humaines et sociales, tandis qu'elles sont en minorité dans les domaines des sciences et des techniques. De plus, ces quatre disciplines se subdivisent en différents domaines d'études où les hommes et les femmes ne se répartissent pas de manière équitable.
Dans le domaine des sciences humaines et sociales, les femmes sont en majorité présentes dans les domaines de la psychologie et de l'éducation, suivis par ceux des langues, des lettres et de la traduction.
En ce qui concerne les sciences et les technologies, les femmes sont en minorité dans tous les domaines, avec une présence particulièrement limitée dans les domaines de l'ingénierie et de la technologie.
Dans le domaine des sciences de la santé, les femmes continuent de prédominer dans tous les domaines.
Les stéréotypes de genre et la division genrée des professions : pourquoi les choix d'orientation restent-ils influencés par le genre ?
L'attrait des filles pour les secteurs liés aux soins, à l'éducation et au social, ainsi que l'absence des garçons dans ces filières, peuvent s'expliquer par plusieurs facteurs sociaux et culturels enracinés dans notre société. Tout d'abord, les stéréotypes de genre jouent un rôle majeur. Dès le plus jeune âge, les enfants sont exposés à des attentes et des normes de genre qui influencent leurs choix futurs. Les filles sont souvent encouragées à développer des compétences d'empathie, de communication et de coopération, ce qui les orientent naturellement vers des carrières axées sur les soins et l'interaction humaine.
De plus, l'absence de garçons dans ces filières n'est pas suffisamment remise en question en raison de la persistance des stéréotypes de genre dans la société. Les stéréotypes véhiculent l’idée que les hommes devraient occuper des postes prestigieux et bien rémunérés, tandis que les femmes devraient occuper professions considérées comme plus « traditionnellement féminines ». Cette division du travail est enracinée depuis longtemps dans notre culture, ce qui rend difficile sa remise en question.
Malgré l'évolution des rapports entre les genres dans notre société, le choix d'orientation demeure genré en grande partie en raison du curriculum caché à l'école. Le curriculum caché comprend des « valeurs, des normes et des attentes non explicitement incluses dans les programmes scolaires officiels ». Les enseignant·es peuvent exercer une influence significative sur l'apprentissage des élèves en fonction de leur genre. Les hypothèses de Nicole Mosconi concernant l'évaluation des comportements et des résultats selon un « double-standard » sont pertinentes. Les enseignant·es peuvent être plus indulgent·es envers l'indiscipline des garçons et attribuer les performances des filles à leur travail acharné plutôt qu'à leurs compétences.
Pour briser cette division genrée du travail et favoriser des choix d'orientation plus égalitaires, il est essentiel de remettre en question les stéréotypes de genre, de sensibiliser les enseignant·es aux biais de genre potentiels, et d'encourager les élèves à explorer une variété de filières sans être limités par leur genre.
Stéréotypes de genre et choix d'orientation : l'impact de l'éducation et de la famille
Le phénomène que nous observons peut s'expliquer par le manque de formation du corps enseignant aux stéréotypes de genre qui influencent leurs interactions avec les élèves et leurs attentes envers eux. Souvent sans en avoir conscience, les enseignant·es perpétuent des inégalités dans leurs évaluations et leurs interactions. Ces pratiques contribuent à nourrir un manque de confiance en soi chez les filles, en particulier en ce qui concerne les matières scientifiques perçues comme « masculines », ce qui a logiquement des répercussions sur leurs choix d'orientation. Les garçons, bénéficiant d'une plus grande confiance en eux, ont tendance à se diriger plus facilement vers des matières considérées comme plus prestigieuses.
La famille, tout comme l'école, peut influencer les jeunes dans leurs choix d'orientation en suivant les stéréotypes de genre. Mais que se passerait-il si nous laissions les jeunes choisir librement et de manière autonome ? Souvent, cela se traduit par des comportements d'autocensure, car certaines professions restent difficiles à envisager en fonction de son genre. Les choix d'orientation exprimés par les jeunes et leurs familles sont souvent marqués par la perception traditionnelle du genre. Actuellement, l'orientation scolaire se fait par le biais des conseils de classe, basés sur les résultats des élèves dans les matières choisies.
Il est également essentiel de prendre en compte l'orientation scolaire des élèves issus de l'immigration. L'appartenance socio-culturelle des élèves est l'une des causes des disparités dans les parcours éducatifs. Si les enseignant·es sont imprégné·es de stéréotypes de genre, cela peut rendre plus difficile la proposition d'alternatives aux choix d'orientation non conformes au genre de l'élève. Comme l'ont souligné Geraldine André, Alejandra Alarcon-Henriquez et Steven Groenen dans leur ouvrage collectif « Former contre les discriminations (ethno)culturelles » les stéréotypes qui émergent des conseils de classe ne concernent pas seulement le genre, mais peuvent également contribuer à la reproduction des inégalités sociales et ethno-raciales. Certaines écoles semblent se spécialiser pour l'élite sociale, tandis que d'autres sont plus orientées vers l'accueil des élèves issus de milieux différents.
Tronc Commun
L'objectif est de garantir à tous les élèves une base commune de connaissances pour qu'ils et elles puissent faire des choix d'orientation plus réfléchis. Cela implique une révision approfondie des contenus d'apprentissage qui doivent être uniformes pour tous les élèves. Les matières fondamentales comme le français, les mathématiques, les sciences, ainsi que les langues anciennes et modernes, sont renforcées. En plus de cela, l'enseignement vise à développer d'autres compétences telles que l'esprit d'entreprise, la créativité, les compétences manuelles, techniques, technologiques et numériques.
Au cœur de ce projet de tronc commun se trouve l'idée de l'orientation positive, visant à élaborer un curriculum plus large et représentatif de l'ensemble des filières éducatives futures. Le tronc commun propose d'intégrer l'orientation tout au long de la scolarité obligatoire, en proposant des activités qui permettent aux élèves de découvrir des formations et des métiers. L'objectif est de rendre l'orientation vers les études qualifiantes moins contraignante et moins dépendante du capital socio-économique et culturel des élèves.
Conséquences de l'orientation scolaire genrée sur le marché du travail
La division genrée de l’orientation scolaire et du choix des filières se répercute sur le marché du travail.
En 2021, Statbel a présenté des chiffres montrant la proportion des femmes et d’hommes dans les secteurs de travail :
Stéréotypes de genre et répartition des métiers : la puissance des attentes sociales
La répartition des métiers entre hommes et femmes est largement influencée par des stéréotypes de genre qui dictent les rôles attendus, ainsi que les comportements associés à ces attentes. Les attentes envers les hommes incluent la force physique, la confiance en soi, le goût du risque, l'ambition, la persévérance, l'énergie, la logique et l'entrepreneuriat.
D'un autre côté, les métiers définis comme "féminins" sont souvent associés aux valeurs traditionnellement attribuées aux femmes dans la sphère privée, telles que la minutie, les tâches répétitives, les soins, le dévouement, la patience, la complaisance, l'expression émotionnelle, la nervosité, l'attention et la préoccupation. Ces attentes sont souvent renforcées dès l'éducation. Les comportements anticipés pour les femmes et les hommes peuvent les orienter vers certaines carrières plutôt que d'autres, renforçant l'idée qu'il s'agit d'un attrait "naturel" pour ces professions, alors qu'en réalité, cela relève de la construction sociale des stéréotypes de genre.
Inégalités de genre au travail : diplômes, chômage, plafond de verre et conditions professionnelle
Les disparités de genre au travail se manifestent de diverses manières :
- En 2021, un nombre plus élevé de femmes a obtenu un diplôme de l'enseignement supérieur en Belgique, avec 56,4% de femmes contre 43,3% d'hommes. Cependant, malgré des diplômes identiques pour un même métier, les femmes connaissent un taux de chômage plus élevé que les hommes, et leurs salaires demeurent inférieurs.
- Le concept du "plafond de verre" explique la disparition progressive des femmes au fur et à mesure de leur ascension vers les postes de direction. Cela s'explique pour diverses raisons, notamment les politiques formelles de gestion de carrière, les défis liés à la conciliation entre travail et famille, et le rôle des réseaux informels dans les opportunités de promotion. Les attentes symboliques associées aux postes de direction, telles que l'ambition, le dynamisme et le charisme, sont souvent connotées comme étant majoritairement masculines.
- L'accès à l'emploi demeure inégalitaire, avec des modalités d'insertion différenciées pour les hommes et les femmes. Le travail à temps partiel reste prédominant chez les femmes, encouragé par les pouvoirs publics, en particulier dans des secteurs tels que le commerce, le nettoyage et les services d'aide aux personnes.
- Dans les professions qualifiées de "masculines " les hommes sont souvent exposés à des contraintes physiques plus importantes.
(Source : BERENI Laure, CHAUVIN Sébastien, JAUNAIT Alexandre, e.a., Introduction aux études sur le genre, 3e éd., 2021 et Statbel, Niveau d'instruction)