Travail

Vous trouverez dans cet espace des informations utiles pour « Comprendre » une thématique donnée à la lumière des principes d'égalité entre les femmes/filles et les hommes/garçons.

La partie « Agir » vous propose, quant à elle, diverses pistes à mettre en pratique.

Pour aller plus loin et découvrir des ressources sur la thématique, il vous suffit de consulter le « Catalogue », de la sélectionner ainsi que le type de support que vous souhaitez utiliser. Ces ressources sont mises à disposition pour enrichir vos connaissances et celles de vos élèves sur le sujet.

 

Comprendre la thématique

Les femmes travaillent-elles dans les mêmes secteurs que les hommes ? Qui des femmes ou des hommes occupent le plus d'emplois à temps partiel ? Qu'en est-il de l'écart salarial entre les genres en Belgique ?

Le travail étant synonyme d'indépendance économique, il s'agit de questions de la plus haute importance pour l'égalité des genres. Il n'est en effet pas si lointain le temps où les femmes devaient obtenir l'autorisation de leur mari pour occuper un emploi ou ouvrir un compte en banque.

Si cette époque est heureusement révolue, d'autres obstacles demeurent et on peut observer de grandes différences entre les positions occupées par les femmes et celles occupées par les hommes sur le marché du travail.

 

Une ségrégation horizontale et verticale

Les questions d’inégalités entre les femmes et les hommes au travail restent un pilier de la lutte pour les droits des femmes. Ces inégalités se traduisent par une ségrégation professionnelle, c’est-à-dire une répartition des sexes entre et au sein des professions, des secteurs, des lieux de travail ou encore des types de contrats. Il existe ainsi deux types de ségrégation : une ségrégation horizontale et une ségrégation verticale.

 

La ségrégation horizontale

La ségrégation horizontale renvoie à la séparation qui existe entre les emplois majoritairement occupés par les femmes et ceux majoritairement occupés par les hommes. Par exemple, les métiers de l’industrie manufacturière ou de la construction sont fortement masculins et les métiers liés à la santé et l’enseignement restent généralement féminins. 

Il semble toujours plus facile pour un homme de faire un métier perçu comme féminin plutôt que l’inverse. Cela s’explique par un attachement profond à la différence biologique entre les hommes et les femmes et aux qualités associées à leur biologie mais surtout au phénomène de hiérarchisation qui lui est appliqué : on se dit que les femmes ne vont jamais pouvoir devenir aussi fortes et résistantes que les hommes. Alors que des caractéristiques dites féminines (l’empathie, la patience, la délicatesse,etc.) peuvent s’apprendre, la force physique ne s’apprend pas. Ces qualités sont aussi considérées comme naturelles ou innées et font donc l’objet d’une faible valorisation sur le marché du travail. Cette distinction renforce les préjugés subis par les personnes qui font des métiers atypiques pour leur sexe

L’arrivée de l’autre genre dans un métier traditionnellement investi par des hommes ou par des femmes n’est pas perçue de la même manière. Le refus de la mixité, dont semblent souvent faire preuve les hommes de ces cas de figure, n’a pas son équivalent du côté féminin. 

Les femmes qui occupent des emplois considérés comme masculins doivent souvent relever des défis en faisant face aux préjugés et aux discriminations venant de leurs collègues, à un manque de ressources pour réaliser leur travail et elles doivent prouver qu’elles occupent ce poste parce qu’elles sont tout autant capables de réaliser un travail donné que leur homologues masculins. 

 

La ségrégation verticale

La ségrégation verticale désigne, quant à elle,une situation dans laquelle les possibilités de progression de carrière sont plus accessibles aux hommes. Dans l’imaginaire collectif, ceux-ci semblent incarner le pouvoir plus facilement que les femmes. L’occupation du pouvoir par les hommes reste pourtant perçue comme neutre. Les femmes sont plus généralement renvoyées à une position de subordination. Le « plafond de verre » renvoie au fait que les femmes peuvent progresser dans la hiérarchie d’une entreprise mais seulement jusqu’à un certain niveau. Il existe d’autres métaphores pour parler de ce phénomène :

  • Le « tuyau percé » : plus on monte dans les échelons d’une entreprise et moins on y trouve des femmes ; 
  • Le « plancher gluant » qui renvoie à une barrière invisible qui empêche les femmes d’obtenir des promotions et d’avancer dans leur carrière ; 
  • L’ « ascenseur de cristal » : les hommes dans les métiers féminins peuvent monter plus rapidement les échelons que les femmes dans les métiers masculins ;
  • La « falaise de verre » : les femmes sont plus facilement nommées à des postes de direction lorsque l’entreprise est en crise et une fois la crise passée, ces femmes sont écartées. Ce phénomène se produit également en politique.

Dans l’inconscient collectif les hommes sont toujours présentés comme étant mieux placés pour diriger et les femmes moins enclines à prendre le pouvoir.Ce phénomène s’explique principalement par l’intériorisation de normes et de stéréotypes de genre ainsi que par différents aspects du monde du travail que les femmes et les hommes sont invités à reproduire. Par exemple, les femmes valorisent davantage les relations avec les collègues et l’entretien régulier de ces liens qui nécessite du temps. Elles se dirigent également plus facilement vers des métiers qui leur permettent de dégager du temps pour leur vie privée et de répondre aux exigences liées à une double charge de travail. Ce sont autant d’éléments qui ont un impact sur le positionnement hiérarchique des femmes et des hommes et les évolutions de carrières des un·e et des autres.   

   

Une double charge de travail

Les tâches qui s’exécutent dans l’ombre du salariat et de la vie professionnelle en général sont nombreuses. Elles ont en commun le fait de ne pas être rémunérées et de ne pas être considérées comme un travail à part entière. Dans la répartition actuelle des rôles entre les hommes et les femmes, il est récurrent que ces dernières prennent un temps partiel pour répondre plus aisément à leurs obligations familiales. Une idée semble perdurer dans les mentalités : l’entretien du foyer, l’éducation des enfants, la prise en charge des soins dispensés aux différents membres de la famille et en particulier aux plus vulnérables comme les malades ou les personnes âgées, les courses, la préparation des repas, etc. sont des tâches qui relèvent majoritairement de la sphère féminine dans le cadre des couples hétérosexuels.    

Cette inégale répartition pèse énormément sur les femmes et sur la façon dont elles vont pouvoir articuler ou non les différents temps sociaux (famille, travail, ami·e·s, loisirs, etc.). Les femmes assument une double charge de travail, qui plus est gratuite puisqu’elle ne fait pas l’objet d’une rémunération. Cette absence de rémunération tend à invisibiliser le travail domestique réalisé par les femmes. Le processus d’invisibilisation dont il fait l’objet empêche de les définir comme faisant partie d’un travail à proprement parler : ces tâches sont effectuées dans le cadre de liens affectifs, pour le bien être familial, elles ne renverraient donc pas à un véritable « travail ». Les tâches ménagères constituent pourtant un volume de travail considérable pour les femmes.  Bien qu’au fil du temps les hommes y prennent de plus en plus part au sein des foyers, ce sont majoritairement elles qui en assurent encore aujourd’hui la plus grande partie dans le cadre des couples hétérosexuels. De plus, même si différents types de congés ont été mis en place en plus du congé de maternité, notamment le congé parental, la pause carrière et le crédit-temps, les femmes y restent surreprésentées (66% des bénéficiaires).Un partage des congés parentaux permettrait probablement de tendre vers une répartition plus équitable des tâches ménagères et de soins au sein des ménages.  

Source : Le travail à temps partiel, Etat des lieux en Belgique, Institut pour l'Egalité entre les Femmes et les Hommes

 

 

 

 

Une division genrée du temps de travail

Le troisième type de ségrégation est défini par la nature du contrat de travail : 15,7% des femmes travaillent à temps partiel en 2021 en Belgique contre 3,4% des hommes. Cet écart s’explique par plusieurs raisons. D’une part, comme nous l’avons déjà exposé, par la division des rôles au sein de la famille : 24% des femmes décident de passer en temps partiel pour une question de garde d’enfants ou de personnes dépendantes contre 7,6 % des hommes. Les femmes ont tendance à choisir un métier leur permettant de concilier leur vie privée et leur vie professionnelle. D’autre part, en raison du choix fréquent, dans le cadre des couples hétérosexuels, de conserver le salaire le plus élevé à temps plein. Or il s’agit de celui de l’homme dans la plupart des cas. Ce choix a des conséquences : non seulement les travailleuses à temps partiel ont difficilement accès à des formations, à des promotions ainsi qu’à des opportunités de monter dans les échelons pendant leur carrière, percevant ainsi un salaire moindre, mais surtout elles toucheront à terme une plus petite pension. Cette réalité les rend plus à risque de finir leurs jours dans une situation de précarité, et parfois de grande précarité.                            

Source : Le travail à temps partiel, Statbel, 2022

 

La séparation sexuée du travail est l’une des causes de l’écart salarial existant entre les hommes et les femmes. Les métiers de direction sont bien mieux payés et  sont majoritairement des postes occupés par des hommes, à la différence de la faible rémunération des métiers fortement féminisés comme les métiers du soin (« care») où les tâches et les compétences professionnelles requises sont généralement considérées comme étant « naturellement » féminines. Ceci donne lieu à une moindre reconnaissance professionnelle, financière et symbolique du travail accompli par les femmes. Pour ce que l’on définit comme les dirty jobs(« sale boulot »), un croisement important s’opère entre la question du genre et la question de la « race » au sens sociologique : les métiers les moins qualifiés et qui consiste à réaliser un travail domestique sont plus occupés par les femmes racisées (aide familiale, aide-ménagère,etc.). 

La répartition inégale des femmes et des hommes dans les différents secteurs de travail et dans les différents niveaux hiérarchiques les expose à divers risques physiques et psychosociaux, qui à leur tour ont un impact sur leur santé et leur bien-être. Comme nous l’avons vu jusqu’ici, l’équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle et les conditions de travail elles-mêmes sont impactées par un sexisme structurel. D’autres types de discrimination, ou conflits interpersonnels peuvent être sources de stress et mener les travailleurs et travailleuses à des situations de burnout dans les cas les plus extrêmes.

Les exigences physiques de certains métiers typiquement féminins ou masculins entraînent ainsi des conséquences psychiques mais également physiques. Par exemple, le travail ménager réalisé par les femmes entraîne à terme une usure de leur corps. Certains cadres de travail ou outils sont tout simplement inadaptés à un sexe. Les femmes sont ainsi souvent désavantagées par l’absence d’aménagement de certains emplois à leur physionomie. Par exemple, la NASA en 2019 a empêché deux astronautes de partir dans l’espace parce qu’elle ne disposait pas de combinaisons convenant à leur morphologie. Dans les usines, les femmes se voient attribuer les tâches les plus répétitives, exigeant des postures plus contraignantes et provoquant des troubles musculosquelettiques.  

Traditionnellement, les femmes sont bien moins nombreuses dans les emplois où les risques d’accidents ou de surcharge physique sont présents. Ces risques semblent plus acceptables pour les hommes aux yeux de la société. Néanmoins, elles font face à d’autres types de dangers qui restent encore trop peu pris en considération. L’exposition chimique passe souvent inaperçue dans les métiers dits féminins, parce qu’elle a souvent lieu dans des endroits considérés comme anodins et inoffensifs tels que des salons de beauté ou des locaux de produits ménagers. Du côté des risques psychosociaux, les femmes sont exposées à des risques spécifiques lorsqu’elles occupent des emplois majoritairement masculins et où elles sont numériquement minoritaires. À la différence des hommes, lorsqu’ils travaillent dans des milieux très féminisés, les femmes sont confrontées à un stress supplémentaire lié aux discriminations potentielles qu’elles pourraient vivre en raison de leur genre et au harcèlement,aux représentations stéréotypées des métiers et aux compétences qui leur sont associées. Par exemple, une femme qui occupe un poste de manager et qui adopte des comportements dits « plus masculins » va être évaluée plus négativement qu’un homme se comportant de la même manière. Les femmes n’étant pas nombreuses à des postes de direction, elles ne bénéficient pas non plus de modèles de référence. De plus, elles doivent constamment prouver qu’elles méritent un poste élevé dans la hiérarchie en justifiant chacune de leurs action à des hommes et même à des femmes qui peuvent douter de leurs compétences simplement à cause de leur genre et ce, même de façon inconsciente.  

 

Spécificité du travail féminin : une priorité pour les syndicats ?

Les droits syndicaux sont traditionnellement bien implantés au sein des grandes entreprises industrielles masculines. Les femmes se situent majoritairement dans les secteurs moins structurés d’un point de vue syndical. Leurs contrats de travail sont également plus précaires (la restauration, le commerce, l’aide à la personne,etc.). Les syndicats semblent peiner à se mobiliser autour de la problématique du travail féminin. Une mobilisation collective en faveur des secteurs féminisés permettrait pourtant d’obtenir des avancées de diverses natures tout en renforçant un sentiment d'appartenance identitaire au secteur.

Source : Vers une approche intégrée et transversale de l'égalité dans le syndicalisme ?, L'exemple de six pays européens article de Rachel Silvera, 2006 (pdf)

 

Il est nécessaire de traiter le travail des femmes dans toutes ses spécificités. Leurs intérêts ne sont pas les mêmes que ceux des hommes. Des actions sociales tpichant directement les femmes ont pu être/sont mises en place afin de favoriser leur insertion dans le monde du travail (lutter contre la discrimination à l’emploi liée au « risque de la maternité », plus de flexibilité pour les femmes seules avec enfant, coûts liés à la grossesse de la travailleuse amoindris pour l'entreprise, appui pour faire face à la difficulté de retrouver son poste et ses responsabilité d’avant le congé puisque reprises par un·e remplaçant·e,etc.).

Source : Grossesse au travail, Guide pour les travailleuses et l'employeru pour un traitement sans discrimination, Institut pour l'Egalité entre les Femmes et les Hommes, 2013 (pdf)

 

En dehors de la situation particulière de la maternité,  il faut aussi agir sur certaines discriminations propres au groupe des femmes et qui ont inévitablement une influence sur leurs conditions de travail. L’ampleur des violences sexistes et sexuelles auxquelles les femmes font face sur leur lieu de travail reste encore importante en Belgique : 9 femmes sur 10 ont vécu des comportements sexistes sur leur lieu de travail. L’étude menée par l’ASBL JUMP au sujet du sexisme en Belgique souligne que les femmes adoptent rarement un comportement actif face à des situations sexistes, et elles se tournent rarement vers les syndicats à ce sujet. Pourtant les syndicats ne ferment pas les yeux sur la réalité des violences qui ont lieux au travail et dont les femmes sont spécifiquement victimes. La FGTB propose par exemple un« violentomètre» pour conscientiser les travailleuses au cycle d’oppression qu’elles pourraient potentiellement  subir sur leur lieu de travail. Une cellule de lutte contre les discriminations reste à l’écoute des affiliées pour recueillir leur témoignage et les accompagner. Néanmoins la diffusion des outils tels que celui-ci paraît insuffisante.

 

Sources :

 

Hors du cadre de l’entreprise, les femmes effectuent un travail gratuit ignoré par le Produit Intérieur Brut Belge (appelé aussi PIB) puisqu’il ne comporte aucun échange monétaire. Cette gratuité mène à son invisibilisation. Ce travail gratuit dépasse largement le travail domestique : les femmes reproduisent la « force de travail » en mettant au monde des enfants et se chargent majoritairement de leur santé et de leur éducation. Cette reproduction de la force de travail n’est pas reconnue comme étant une activité socioéconomique source d’accumulation de capital, d’où la conception de ce travail comme une activité propre à la nature féminine. Les femmes ne feraient alors qu’exercer un service personnel aux membres de la famille. Cette vision est nécessaire pour justifier la gratuité et l’invisibilité de ce travail.  

Les congés parentaux, le crédit-temps ou les congés impérieux sont issus des revendications syndicales voulant dénoncer ce travail gratuit. Ces congés ne s’adressent pas à un sexe en particulier et pourtant, les hommes restent minoritaires à les prendre. L’augmentation de leur demande permettrait déjà aux femmes de consacrer davantage de temps à la réalisation d’un travail rémunéré.  Elle contribuerait probablement aussi à faire évoluer la conception même du travail puisque les hommes pourraient assumer davantage des charges liées au foyer et à l’éducation des enfants et constateraient directement l’impact de la famille sur leur carrière. Ceci engendrerait possiblement certaines revendications (un allongement des jours de congés de parentalité, un élargissement des conditions d’obtention de congés impérieux, plus de flexibilité dans les horaires, etc.).  

La réglementation en matière de congé de paternité accorde aux travailleurs le droit à 10 jours d’absence à la suite de la naissance d’un enfant. Les travailleurs qui demandent ces congés peuvent rencontrer une série d’obstacles : diminution de salaire, conflit avec l’employeur et/ou les collègues faute de trouver un·e remplaçant·e ou en raison d’une charge de travail plus importante pour les autres, difficultés à obtenir une promotion, risque de licenciement, etc. Les mêmes difficultés auxquelles sont confrontées plus régulièrement les femmes sur le marché de l'emploi. Les syndicats ont un rôle crucial à jouer en la matière non seulement en informant les travailleurs·euses, mais surtout enluttantcontre les stéréotypes sexués qui continuent d’imprégner les congés parentaux. Il est fondamental de créer des politiques positives sur base d’accord entre les syndicats et les employeurs pour que les droits des travailleur·euses soient exercés sans aucune crainte.    

Source : Le genre au travailn Recherches féministes et luttes des femmes, Réseau MAGE, 2021